LES INSTRUMENTS DES DERVICHES
Le tanbur : C’est l’instrument classique par excellence. Si dans les temps anciens il fut pratiqué dans tous les pays du Moyen-Orient, seul les Turcs en ont conservé l’usage. Luth à petite caisse ronde, il possède un manche long et étroit à ligatures. La longueur du manche (un mètre) et la précision avec laquelle les ligatures doivent être placées, l’ont fait considérer comme l’instrument de référence qui permet de déterminer la hauteur des degrés consécutifs.
Le kementche : Cette petite vièle très particulière avec des cordes en boyau se joue en touchant avec les ongles de la main gauche. L’archet étant tenu de la main droite.
Le kanoun : Cithare trapézoïdale à 72 cordes groupées par trois, ses sons peuvent être modifiés grâce à de nombreux clapets métalliques fixés sur le manche gauche de l’instrument de façon à obtenir une grande variété d’échelles permettant de jouer les intervalles particuliers des différents maqâms.
Le ney : Cette flûte oblique en roseau comporte sept trous. L’embouchure en ivoire ou en corne en forme de cône tronqué est biseautée à la partie supérieure. C’est l’instrument privilégié des derviches Mevlevis.
L’oud : Luth à manche courte et large sans frettes, à caisse piriforme. Pour leur part les Turcs n’ont pas adopté l’oud à ligatures en usages dans certains pays du Moyen‐Orient. Dix de ses onze cordes sont couplés deux à deux.
Le bendir : Tambour sur cadre. Avant l’Islam, les chamans s’en servaient pour chasser les mauvais esprits. Les soufis l’ont conservé pour accompagner leurs cérémonies du zikr fondées sur la répétition du nom d’Allah.
Le kudum : Timbales de diverses dimensions dont la peau tendue est faite de cuir bouilli.
LE SOUFISME : UNE VOIE D’ELEVATION
LE SEMA
La danse rituelle des derviches, le semâ, est attribuée à Mevlana lui‐même. Selon la légende il commença à tourner dans un état d’extase en répétant le nom de Dieu, Allah. Cette danse giratoire fut reprise par ses disciples, chaque jeudi soir, lorsque s’il réunissaient au tekke, le couvent jouxtant la tombe de Mevlana.
Le semâ est censé rapprocher de Dieu, la rotation symbolisant celle des planètes et des étoiles. Les danseurs perdant leur unité en faveur d’une communion divine avant de redevenir humains.
A propos du semâ, Mevlana disait : « Tu as besoin de l’oreille du cœur, pas celle du corps ». La musique étant l’écho sensible du verbe divin.
« O jour, lève-toi,
Les atomes dansent,
Les âmes éperdues d’extase dansent,
La voûte céleste, à cause de cet Etre,
Dansent,
A l’oreille je te dirai
Qui l’entraine sa danse »
(Rubat’yat/ quatrain)
Une des pratiques associées au soufisme est donc ce semâ (ou samâ), audition mystique dont le but est de « faire surgir ce qui est dans le cœur ». Puis vient le zikr (ou dhikr), rituel plus actif de remémoration et d’invocation. La confession de foi (« La ilaha illa Allah/ Il n’y a de Dieu que Dieu ») devant éveiller chez le croyant la conscience de l’être unique. Par sa répétition chantée, psalmodiée, murmurée, parfois presque silencieuse, ou au contraire montant de la gorge et grondant comme une vague, l’esprit glissant de l’invocation sonore à la contemplation silencieuse, de l’éphémère à l’éternel.
LA CEREMONIE DU SEMA
Le derviche (ou semâzen, danseur de semâ) porte un costume traditionnel. Il se compose d’un grand chapeau en poil de chameau (le sikke) représentant la pierre tombale de son ego. D’une longue robe blanche (la tennure) qui représente le linceul. D’un manteau noir (le hirka) représentant la tombe. Ce long manteau noir étant abandonné avant le début de la danse puis revêtu avant la sortie.
Lors des cérémonies, les derviches commencent par faire trois tours en marchant. Le premier tour symbolise la création par Dieu du soleil, de la lune, des étoiles et de tout ce qui n’est pas vivant. Le deuxième représente la création des végétaux. Le troisième celle des animaux.
Après quelques prières, le voyage spirituel débute.
Le rituel commence par des chants religieux ottomans accompagnés par la ney (flûte en roseau), le kudüm (doubles petits tambours) et le kanun (instrument à cordes de la famille des cithares). Cette introduction fait peu à peu entrer en méditation. Les mélodies et les paroles se répètent dans des cadences qui vont crescendo avant de s’arrêter brutalement pour faire entrer les danseurs.
Au fur et à mesure que les derviches tournent, leurs âmes communient entre elles mais également avec le monde du divin. Ils déploient la paume de leurs mains gauches vers le ciel, celles de leurs mains droites vers le sol. La signification de ces gestes réside dans la volonté d’obtenir la grâce de Dieu par la main gauche et de la répandre par la main droite.
Petit à petit, cette valse se fait de plus en plus rapide. La tête penchée sur le côté droit, les gestes lents et les mouvements incessants de leurs robes délivrent une poésie visuelle rare. Les derviches tournant au rythme de la musique, les yeux fermés, sans jamais dévier de leurs axes. Chacun de leurs mouvements et de leurs tours ayant une symbolique propre.