Points de rencontre entre le chant provençal et le chant breton
« Si je savais voler » : chants populaires de Bretagne et d’Occitanie, histoire d'une création
A l’occasion d’un concert de Yann-Fanch Kemener à Hyères (Patrimoine en musique – 2005), Renat Sette, curieux de rencontrer son homologue breton, profite de cette opportunité. Les deux chanteurs ont eu tout le loisir de parler de leur démarche de collecteur et d’interprète. Quand ils abordent le sujet de leur répertoire respectif ; ils sont étonnés de trouver autant de similitudes dans les thématiques et les textes. La discussion contenait le filigrane d’un projet. Il ne manquait plus qu’à faire se croiser à travers chant, deux imaginaires populaires, celui de la Bretagne et celui de l’Occitanie.
La mise en musique de ces deux univers devant affirmer les points de rencontres et les différences de ces deux cultures, pour souligner ce travail de confrontation il a été décidé de faire appel au languedocien Laurent Audemard, compositeur-arrangeur émérite dans le domaine traditionnel, afin de créer le contrepoint instrumental à ces deux voix. Au final, la création réunira les deux chanteurs Yann-Fanch Kemener et Renat Sette, accompagnés par deux instrumentistes à vent : Laurent Audemard et François Fava aux saxophones, formant ainsi une forme de quatuor à vent.
Le répertoire
ELEMENTS DU PROGRAMME : « SI JE SAVAIS VOLER »
La thématique dominante se réfère aux différents passages de la vie : La naissance et l’enfance (berceuses, comptines, mimologismes), le voyage, l’amour, la mort, le voyage, le messager (le rêve, l’oiseau), le religieux (Noël, La Passion)
Des récits courts et des petits contes font les liens entre les chants.
TITRE DES CHANTS INTERPRETES
Prières, formules
Marie-Madeleine
Quête des morts
Noël de Brigitte – La fille sans bras
Si je savais voler
Rossignolet sauvage
Le lai du rossignol
Ventadour
La passion du Christ
Notre-Dame est assise
Nombres-Séries
Le crucifix – le mendiant
La belle caille
Transformations
Stabat mater
Dom yann Derrian – Voyage à St Jacques
Le chant populaire en Provence et en Bretagne : des points de départs communs mais une évolution fort différente
QUELQUES ELEMENTS SUR LE CHANT TRADITIONNEL PROVENÇAL
PAR JEAN-NOËL PELEN (CNRS ET UNIVERSITE DE PROVENCE)
La culture populaire traditionnelle provençale est l’une des plus mal connues en France, tout au moins concernant les œuvres littéraires traditionnelles que sont le conte et la chanson. Nul folkloriste, ici, comme il en fut par exemple en Gascogne avec Jean-François Bladé, dans la Grande-Lande avec Félix Arnaudin, en Languedoc avec Achille Montel et Louis Lambert, ne passa sa vie à collecter et restituer avec soin, pratiquement au mot à mot et selon les critères de fidélité de l’époque, les pièces de la tradition orale.
Le désir de création, de créativité, en lui-même tout à fait positif, qui anima le Félibrige, constitua un écran posé entre les œuvres et leurs sources : aucune vaste enquête de collectage ne fut menée en Provence sur la littérature orale, qui mentionnât scrupuleusement les différentes versions d’un même conte ou d’une même chanson, les lieux de leur collecte, la personnalité des conteurs ou chanteurs.
Pour constituer une œuvre générique, les littérateurs, engagés par l’écriture dans une reconquête de la dignité culturelle, ont effacé l’origine précise des récits et des chants dont ils n’étaient que les passeurs, tentant des les « ennoblir » -du moins était-ce la pensée du principe- en en ouvrageant l’écriture et, parfois même, le contenu.
QUELQUES ELEMENTS SUR LE CHANT TRADITIONNEL PROVENÇAL
PAR JEAN-YVES ROYER
Le plus souvent, ces chants avaient une forme très simple : une longue suite de vers, généralement de dix à quinze pieds, avec une rime unique (parfois une simple assonance). Chaque vers constituait un couplet, et n’avait –éventuellement pour tout refrain qu’un « tra-la-la » en marquant la fin, ou le milieu. Cette structure, analogue à celle des « Chansons de Geste » du Moyen-âge ou du « Romance » de la péninsule ibérique, révèle l’ancienneté du type de chant.
Tous ces traits avaient été mis en lumière par Damase Arbaud, et sa correspondance avec le philologue castillan Manuels Mila Y Fontanals lui avait permis de connaitre la parenté de ces chants provençaux avec les Romancerons castillan, catalan et portugais. Médecin de Manosque, historien de sa ville (dont il fut maire), il avait publié en 1862 et 1864 deux volumes de « Chants populaires de la Provence ». Ces chants provenaient pour l’essentiel de ses propres collectages. Ce travail aurait pu faire école. Il n’en fut rien. Une première raison réside certainement dans le fait que, dès 1863, son premier volume fut éreinté par la critique félibréenne, à cause de son choix d’une orthographe inspirée de la tradition occitane – laquelle s’était logiquement imposée à l’habitué des archives municipales manosquines. Notre historien répondit l’année suivante, dans sa préface du second volume, en cinquante pages aussi vertes que savantes qui n’arrangèrent pas les choses…
Mais la raison principale de l’ostracisme, puis de l’oubli, qui toucha l’œuvre d’Arbaud pourrait être dans le caractère même des chansons qu’il publiait, et qu’il définissait ainsi : « sœurs des fleurs de la montagne, comme elles, elles ont des couleurs heurtées, une saveur parfois amère, un parfum quelque peu sauvage qui ne conviennent pas toujours aux délicats, mais qui ne rebutent pas les forts ».Ce n’était évidemment pas là le goût des amateurs de coiffes provençales bien repassées.
Hommage à Yann Fañch Kemener
par Frank Tenaille
16 mars 2019
(1) L’Académie Charles Cros vient de rendre un hommage à Yann-Fañch Kemener, sans doute l’artiste le plus récompensé par la vénérable institution sur le registre des musiques du monde.
Sources de l'article :
https://www.auxsons.com/breves/deces-de-yann-fanch-kemener-monument-de-la-culture-bretonne/
https://www.facebook.com/frank.tenaille/posts/10218665377008171
LA TRANSMISSION DU CHANT BRETON PAR YANN-FANCH KEMENER
Très amateur de Kan a Boz et de mélodies, c’est lui qui me fit prendre conscience de la richesse de ce répertoire qui était encore vivant. J’orientai donc mes recherches vers ce type de chants. Dans les festou-noz de cette époque, tout le répertoire musical et chanté était réservé à la danse ; la télévision bien implantée dans les foyers prenait le pas sur les assemblées et réunions familiales ; aussi les chanteurs n’avaient-ils plus occasion de faire entendre leurs mélodies. Jean me parlait souvent de chanteurs de sa jeunesse comme Jérôme Martail, père de Madame Bertrand, des Rolland et aussi de leurs répertoires de chants très longs et de contes que lui-même aimait nous faire partager à l’occasion.